septembre 2021
Un rapport sur les droits de succession sera publié par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), le 30 septembre prochain. Cet organisme en a d’ores et déjà divulgué les meilleurs morceaux.
En substance, le document compare l’impôt dans les différents pays, en tire certaines conclusions et formule diverses propositions.
On y apprend notamment que la France est pour ainsi dire le pays riche qui taxe le plus les successions et les donations, dépassé en cela par seulement la Corée et la Belgique, juste devant le Japon, ces quatre pays étant les seuls où les droits de mutation à titre gratuit rapportent plus de 1 % des recettes fiscales.
Et encore, on pourrait remarquer, par exemple, que si la Belgique taxe lourdement les successions, elle offre des exonérations sur les donations permettant des transmissions de patrimoine en franchise d’impôt que n’autorise pas la loi française.
14 pays de l’OCDE n’ont pas d’impôt sur les successions
La France, donc, connaît des droits de succession et de donation qui constituent 1,4 % de ses recettes fiscales, là où ils ne représentent que 0,5 % pour la moyenne des 24 pays de l’OCDE appliquant ce type d’impôt. Signalons au passage que l’OCDE comportant 38 pays membres, cela signifie aussi que 14 d’entre eux, soit plus du tiers, ignorent les droits de succession.
Certains les ayant même supprimés récemment comme l’Autriche, la Norvège ou la Suède, cette dernière étant pourtant réputée pour ne pas être avare en prélèvements obligatoires.
Sur le fond du rapport, l’OCDE reprend cette idée bien connue en France selon laquelle les droits de succession doivent être un instrument de réduction des inégalités. Or, cette notion confiscatoire est sujette à caution car le rôle de l’impôt est avant tout de financer les missions de l’Etat et non de punir les riches d’être riches.
D’autant que l’on peut aussi défendre l’idée que le patrimoine ne doit pas s’entendre au niveau de l’individu mais à celui de la famille. Peut-on reprocher à une personne de s’enrichir pour mettre ses enfants à l’abri du besoin ?
Un des premiers instruments de réduction des inégalités serait bien sûr la progressivité de l’impôt. Certes, un peu de progressivité permet de donner souvent plus d’efficacité et d’équilibre à un impôt mais il ne faut pas oublier que 20 % de 1 000 € donnera toujours dix fois plus que 20 % de 100 €. Un taux unique crée donc déjà par lui-même un impôt progressif et qui taxe d’autant plus que le patrimoine est conséquent.
Le rapport propose aussi que les droits de succession et de donation ne dépendent plus de la personne qui transmet mais de celle qui reçoit. Ainsi, les droits pourraient être plus élevés pour ceux bénéficiaires de hauts revenus ou détenant déjà un patrimoine important.
Ce qui revient à créer un nouvel impôt sur le revenu ou un nouvel impôt sur la fortune puisque dépendant de son niveau de revenus ou de patrimoine. Les auteurs du rapport suggèrent également la mise en place d’une espèce de compteur viager à partir duquel les droits de succession ne seraient plus calculés distinctement à chaque décès mais dépendraient du patrimoine déjà reçu par l’intéressé au cours de sa vie.
Un tel dispositif serait évidemment particulièrement lourd à gérer mais aussi intrusif pour le contribuable qui se verrait collé à vie son passé d’héritier ou de donataire comme une espèce de casier judiciaire.
Evidemment, le rapport stigmatise les exonérations et abattements qui seraient source d’inégalités. Or, ces exonérations et abattements ne sont souvent que la conséquence d’un système oppressant qui a besoin d’une soupape de sécurité pour éviter l’asphyxie fiscale.
Frais de succession : la France taxe au maximum
Si on s’en rapporte à la France, on peut voir que celle-ci coche déjà nombre de cases d’un impôt réducteur d’inégalités. Ainsi, la progressivité des droits de succession jusqu’à 45 % en ligne directe permet de confisquer près de la moitié des plus gros patrimoines.
On peut d’ailleurs constater qu’il existe en même temps une très grande progressivité en ligne directe une absence totale de progressivité entre étrangers avec un taux unique de 60 %.
On voit donc que la progressivité d’un côté et son absence de l’autre sont finalement deux moyens pour taxer au maximum les patrimoines transmis. Quant aux exonérations et abattements, ils permettent rarement d’échapper à la sanction dès lors que le patrimoine atteint un certain montant, somme toute relatif.
L’abattement de 100 000 € en ligne directe ne cesse de se dévaloriser faute de revalorisation. La fiscalité de l’assurance vie voit ses avantages rognés comme peau de chagrin, avec un taux qui dépasse maintenant 30 % au-delà
de 850 000 € et des droits de succession à plein si les primes ont été versées après 70 ans.
Seuls résistent les bois et forêts avec une exonération à 75 % et les biens ruraux loués à long terme.
On pourrait évoquer les transmissions d’entreprise qui, avec le « pacte Dutreil », permettent une exonération de 75 % mais celles-ci souffrent d’un mal fiscal français : la complexité. Après plusieurs dizaines d’années d’existence, la controverse est toujours aussi fournie pour connaître les limites et les aboutissements du dispositif.
Enfin, le compteur existe déjà puisqu’il faut 15 ans pour effacer une donation et avant l’expiration de ce délai, toute donation est rapportée à une donation ou succession ultérieure.
A l’heure où certains évoquent le recours à de nouveaux droits de succession pour rembourser nos nouvelles dettes, il convient donc de se demander si nos droits de succession et de donation ne sont pas déjà suffisamment lourds comme cela.
D’autant que comme l’indique opportunément l’OCDE, la France est sur le podium mondial des droits de succession.
Sans oublier, ce que fait pourtant l’OCDE, que les biens soumis aux droits de succession sont loin d’être vierges de toute imposition.
Avant d’arriver dans une succession, les sommes ont subi l’impôt sur le revenu, les immeubles ont subi la taxe foncière, l’IFI et les droits d’enregistrement et les meubles ont subi la TVA. Bref, tout est lié.
Olivier BERTAUX
Expert fiscaliste de Contribuables Associés
Source : www.oecd.org
©OCDE 2021
Cette brochure présente les principales conclusions du rapport Impôt sur les successions dans les pays de l’OCDE. Le rapport examine le rôle que l’impôt sur les successions pourrait jouer pour accroître les recettes, lutter contre les inégalités et renforcer l’efficacité des systèmes fiscaux dans les pays de l’OCDE. Il contient des données concernant la répartition et l’évolution du patrimoine des ménages et des successions, étudie les arguments en faveur et contre l’imposition des successions en s’appuyant sur les travaux théoriques et empiriques existants, et examine la conception des impôts sur les successions et les donations dans les pays de l’OCDE. Le rapport propose en conclusion un certain nombre d’options de réforme que les gouvernements pourraient envisager afin d’améliorer la conception et le fonctionnement des impôts sur les transferts de patrimoine.