les pensions de réversion pourraient bien chuter
À l’origine, la pension de réversion avait pour objectif principal de permettre aux veuves, qui souvent n’avaient pas exercé d’activités, de toucher une partie de la retraite de leur conjoint décédé. Sauf que, depuis, la société a évolué et le mécanisme de pension de réversion pourrait suivre ce chemin.
La pension de réversion est-elle toujours adaptée à notre société ? C’est la question que se pose “retraite et société”, publication de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) dont le numéro 83 est sorti ce mardi 1er décembre. Pour rappel, ce dispositif est réservé aux couples mariés et il permet, en fonction des régimes, de conserver entre 50 et 60% de la pension du conjoint décédé. Ce numéro rappelle que les pensions de réversion ont été mises en place “pour apporter des ressources aux épouses qui n’avaient pas ou peu travaillé durant leur vie et qui se trouvaient sans ressources lors du décès de leur époux”. Pour être clair, la pension a été construite par rapport à un modèle de référence : un couple qui se marie en début de vie active et qui partage sa retraite jusqu’au décès de l’un des conjoints, le plus souvent l’époux.
D’après des chiffres de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation, et des statistiques (Drees), fin 2017, 4,4 millions de personnes touchent une pension de réversion, dont 9 sur 10 sont des femmes. Les montants moyens versés pour les régimes de base et complémentaire sont de 691 euros pour les femmes et 334 euros pour les hommes. Mais ces chiffres pourraient avoir tendance à diminuer dans les prochaines années. Car le modèle du couple marié et dont la femme ne travaille pas est désormais une exception plus que la règle. De plus en plus de femmes travaillent pendant une grande partie de leur vie active. Autre point qui a évolué “le mariage n’est pas la seule situation de vie conjugale et un mariage sur deux se termine par un divorce”, note le document.
Si l’on se projette jusqu’en 2070 et en gardant les mêmes règles qu’aujourd’hui, le nombre de femmes bénéficiaires d’une réversion baisserait régulièrement. “Rapportées au PIB, les pensions de réversion versées par la Cnav, qui représentent 0,46 % du PIB en 2016, représenteraient 0,28 % du PIB en 2070”, note l’étude. C’est l’addition de plusieurs raisons qui explique cette évolution : l’amélioration des carrières des femmes, l’allongement de la durée de vie, la diminution des écarts d’âge entre conjoints et le recul du taux de mariage. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la hausse des ressources des femmes n’est pas la principale explication à la baisse de la masse de réversion au fil du temps. “Une grande majorité de femmes continue de remplir les conditions de ressources de la réversion malgré la progression de leurs droits propres. Lorsque le veuvage survient, elles sont toutefois moins démunies par rapport aux générations plus âgées, mais la pension de réversion continue d’être un complément de ressources pour nombre d’entre elles”, notent les deux autrices de cette partie de l’étude Alessandra Di Porto et Nassima Ghernaout. Ce sont la baisse des écarts d’âge entre les conjoints et le recul du mariage qui auraient le plus d’impact.
D’autres auteurs sont allés plus loin dans la projection. Ils étudient l’évolution de la pension de réversion à l’horizon 2120. Il en ressort que la réduction des écarts d’espérance de vie entre homme et femme aurait pour conséquence “une réduction de moitié du poids des pensions de réversion dans l’ensemble des pensions versées par les principaux régimes de retraite”, analysent les trois auteurs Fanny Godet, Vieu Lin et Lionel Wilner. Cette réduction de l’écart entraîne en effet une durée moins longue du versement de la pension qui passerait en moyenne de 13 ans à 11 ans. L’âge moyen de versement de la pension de réversion passerait alors de 79 ans pour les générations nées en 1950 à 87 ans pour celles nées en 2000.
Ces prévisions posent la question de l’évolution possible de la pension de réversion. Avant qu’elle ne soit mise sur pause, la réforme des retraites proposait une refonte totale de la pension de réversion. Plutôt de la calculer par rapport au niveau de pension du défunt, son montant serait déterminé par rapport au niveau de vie du couple. Le projet de loi présenté à l’Assemblée nationale en début d’année prévoyait en effet que son montant garantisse 70% du niveau de vie du couple. Ce droit restant ouvert, comme aujourd’hui, uniquement aux couples mariés. Même s’il est impossible de dire aujourd’hui si cette possibilité sera maintenue, l’étude pointe que “si la réversion était calculée pour maintenir le niveau de vie du couple à l’issue du veuvage, les montants attribués seraient globalement plus faibles du fait d’une moindre couverture du dispositif parmi les individus aisés, auparavant éligibles à la réversion et qui ne le seraient plus”.
Source : Adeline Lorence (capital.fr)